Les poëmes

Avis aux poëtes, aux poemes en tout genres

LE LIVRET ROSE


Si jeune homme tu sais ce recueil fait pour toi,
Sache aussi, jeune fille, apprendre de ses rimes,
Car le chemin de l’un et de l’autre parfois
Se confondent au point que vos pas les abîment.

D’abord c’est la rencontre au hasard d’une rue,
D’un trajet d’écolier, un jour un peu spécial
Embelli pas l’émoi de vos cœurs qui ont cru
Cet instant moins banal qu’un incident trivial.

Si masqué en poète, il dit déjà qu’il t’aime,
Jeune fille hâte-toi d’attendre le prochain
Qui te rendra hilare et te couvrira même
D’éloges dans ce cas passe aussi ton chemin.

Jeune homme tu le vois, si tu te fais passer
Pour ce que tu n’es pas, bientôt elle verra
Que tu n’es qu’un maraud prisonnier d’un passé
D’enfant jaloux, vexé d’avouer sa vie de rat.

Attention toutefois car existent des rattes
Plus mendiantes que toi, qui te demanderont
De les couvrir d’euros et de nourrir les blattes
D’une amie, ces souillions, fuis-les loin, mon garçon !

Si jeune homme tu sais ce recueil fait pour toi,
Sache aussi, jeune fille, apprendre de ses rimes,
Car le chemin de l’un et de l’autre parfois
Se confondent au point que vos pas les abîment.

Sois plus fier et accepte un matin de tourner
La page tâchée de ton cahier d’écolier ;
Il est tant de cahiers non encor chiffonnés,
Dont les pages n’ont point approché le plumier.

Sache aussi jeune élève aux nombreux prétendants
Ne jamais révéler tes envies de caresses,
Car souvent ton aimé ne profite qu’un temps
Et se lasse avant toi de ton cœur de princesse.

Jeune choix de son cœur, à coup sûr, le bonheur,
Sans l’avis des aînés, ne sera point des vôtres
Car il est plus aisé de marcher dans la peur
De devoir vivre seul que d’apprendre des autres.

Non les traditions mais l’expérience du temps,
Le recul d’un parent, d’un ami, d’un passant,
Non plus le grand écran, le petit, leurs instants
De bêtises, d’envie de vos cœurs innocents.

En automne, les feuilles sont rouges
Le vent nous pousse et ça bouge
Il faut s'habiller chaudement
Car la température descend.
On s'amuse dans les feuilles en famille
On rentre, on fait de la confiture de myrtilles
Les animaux entrent en hibernation
Depuis longtemps, ils préparaient leurs provisions.
Les oiseaux partent, c'est leur destinée
On fait chauffer les foyers
La pluie commence à tomber
Tout va changer, car l'hiver va bientôt arriver.

L'hiver


Mes volages humeurs, plus stériles que belles,
S'en vont, et je leur dis : " Vous sentez, hirondelles,
S'éloigner la chaleur et le froid arriver.
Allez nicher ailleurs pour ne fâcher, impures,
Ma couche de babil et ma table d'ordures ;
Laissez dormir en paix la nuit de mon hiver. "

D'un seul point le soleil n'éloigne l'hémisphère ;
Il jette moins d'ardeur, mais autant de lumière.
Je change sans regrets lorsque je me repens
Des frivoles amours et de leur artifice.
J'aime l'hiver, qui vient purger mon coeur du vice,
Comme de peste l'air, la terre de serpents.

Mon chef blanchit dessous les neiges entassées
Le soleil qui me luit les échauffe, glacées,
Mais ne les peut dissoudre au plus court de ces mois.
Fondez, neiges, venez dessus mon coeur descendre,
Qu'encores il ne puisse allumer de ma cendre
Du brasier, comme il fit des flammes autrefois.

Mais quoi, serai-je éteint devant ma vie éteinte ?
Ne luira plus en moi la flamme vive et sainte,
Le zèle flamboyant de ta sainte maison ?
Je fais aux saints autels holocaustes des restes
De glace aux feux impurs, et de naphte aux célestes,
Clair et sacré flambeau, non funèbre tison.

Voici moins de plaisirs, mais voici moins de peines !
Le rossignol se tait, se taisent les sirènes ;
Nous ne voyons cueillir ni les fruits ni les fleurs
L'espérance n'est plus bien souvent tromperesse,
L'hiver jouit de tout : bienheureuse vieillesse,
La saison de l'usage et non plus des labeurs.

Mais la mort n'est pas loin ; cette mort est suivie
D'un vivre sans mourir, fin d'une fausse vie
Vie de notre vie et mort de notre mort.
Qui hait la sûreté pour aimer le naufrage ?
Qui a jamais été si friand du voyage
Que la longueur en soit plus douce que le port ?

Agrippa d'Aubigné
(1552 - 1630)